Sheikh ‘Abdel ‘Aziz Ibn Muhammed Ibn Ibrahim ‘Abdellatif
L’opposition qui existe entre la critique et l’éloge peut s’exprimer de deux manières :
⇒ La première :
• Que leur opposition émane de la position divergente de deux imams ou plus.
⇒ La seconde :
• Que la critique et l’éloge qui s’opposent émanent d’un seul et même imam.
Ce qu’on entend par critique ici est celle qui est détaillée.
Lorsque donc sont en opposition la critique détaillée et l’éloge émanant chacune d’entre elle de deux imams différents ou plus, alors la méthodologie de la majorité (des imams de cette science) consiste à faire prévaloir la critique sur l’éloge et ce dans l’absolu*, peu importe que le nombre de ceux qui élogent soit supérieur au nombre de ceux qui critiquent, ou bien qu’il soit inférieur ou égal.
Voir Fath Al Moughith, As Sakhawi V. 1 – p. 305.
* Les jurisconsultes ont évoqué deux situations faisant exception et dans lesquelles l’éloge est prépondérante sur la critique détaillée :
1) Lorsque celui qui éloge déclare :
– J’ai connaissance de la cause mentionnée par celui qui critique le rapporteur pour le faire, cependant celui-ci (le rapporteur) s’est repenti de cela et sa situation a évolué en bien” (en gardant à l’esprit la controverse existante au sujet de celui qui se repent d’avoir menti à propos du prophète ﺻﻠﻰ ﺍﻟﻠﻪ ﻋﻠﻴﻪ ﻭﺳﻠﻢ).
2) Lorsque celui qui fait l’éloge rend la parole de celui qui critique caduque d’une manière qui prouve indubitablement la caducité de la cause de la critique et indiquant que celui qui critique se confond dans ce qu’il dit.
Exemple : comme si le critiqueur déclarait :
– J’ai vu un tel tuer untel tel jour” et que celui qui éloge réplique : ” Je l’ai vu vivant (l’individu supposé avoir été tué) après cela.
Voir Mahassin Al Istilah p. 224, Fath Al Moughith V.1 p. 307 et Tadrib Ar Rawi V. 1 p.310.
(On fait prévaloir la critique détaillée) et ce car celui qui critique dispose d’un surplus d’information sur la situation du rapporteur laquelle a échappé à celui qui se montre élogieux. Dans un tel cas, le critiqueur rejoint celui qui éloge concernant la situation apparente du rapporteur mais clarifie et éclaircie celle qui est dissimulée.
Il existe trois autres avis lorsque la situation est telle que le nombre de ceux qui éloge est supérieur à celui de ceux qui critiquent :
1) L’avis cité par Al Khatib Al Baghdadi d’après un groupe de gens de science :
– On fait prévaloir l’éloge (l’accréditation) sur la critique.
Ceci car la supériorité numérique de ceux qui accréditent renforce leur position et impose d’agir en fonction de ce qu’ils transmettent. Parce que le grand nombre est un gage laissant à penser que le jugement est bel et bien établi. Et le faible nombre de ceux qui critiquent affaiblit ici leur parole.
Voir Al Kifaya Fi ‘Ilm Ar Riwaya d’Al Khatib Al Baghdadi p. 177, Fath Al Moughith d As Sakhawi V. 1 p. 207.
2) L’avis mentionné par Al Balqini :
– On fait prévaloir la parole des plus savants et mémorisateurs parmi les imams qui divergent.
Et il est possible d’expliquer cet avis en disant que les imams n’ont pas tous le même degré de connaissance s’agissant de la situation des rapporteurs de façon générale. Parmi eux il y a ceux qui ont donné leur avis sur la majorité des transmetteurs à l’instar d’Ibn Ma’in et Abi Hatim.
Il y a également parmi eux ceux qui ont statué sur un certain nombre de transmetteurs comme l’imam Malik et Shou’ba Ibn l Hajaaj.
Et ceux qui ont donné leur avis sur un nombre moindre de transmetteurs comme Soufian Ibn ‘Uyaynah ou l’imam Ash Shafi’i.
Voir Mahassin Al Istilah, p. 224, et Dhikr Man You’tamad Qawlouhou fil Jarhi Wa t Ta’dil, p.158.
De même qu’il est possible qu’il y ait parmi eux celui ayant une connaissance plus approfondie de la situation d’un transmetteur en particulier.
3) L’avis rapporté par As Sakhawi d’après Ibn l Hajib :
– Quand la critique et l’accréditation sont en opposition (sur un même individu), on ne fait prévaloir l’une sur l’autre qu’à l’aide d’un élément probant permettant de faire prévaloir l’une des deux.
Voir Fath Al Moughith, V. 1 – p. 307.
Ceci parce que d’un côté la parole de celui qui accrédite est renforcée par la supériorité numérique et que de l’autre, celui qui critique voit sa parole renforcée du fait qu’il dispose d’une connaissance accrue au sujet de la situation de l’individu qui est dissimulée aux autres.
Fath Al Moughith, V. 1 – p.308.
L’avis le plus probant c’est qu’à l’origine on fait prévaloir la critique détaillée sur l’accréditation, mais ceci ne vaut pas dans l’absolu, il est néanmoins rattaché aux règles de la critique (Jarh) et de l’accréditation (Ta’dil).
Quand s’opposent la critique évasive (non détaillée) avec l’accréditation, alors As Sakhawi rapporte d’après Abi l Hajaaj Al Mizzi et autre que lui que :
– L’accréditation à prédominance sur la critique évasive.
Mais ceci également n’est pas à adopter dans l’absolu car par exemple, l’accréditation accordée par l’imam trop conciliant ne prévaudra pas sur la critique de l’imam pondéré.
Quant au fait que la critique et l’éloge entre en opposition au sujet d’un même individu chez un seul et même imam, alors ceci naît de deux situations :
⇒ La première :
Qu’apparaisse nettement le changement d’avis sur le statut d’un transmetteur chez cet imam. Dans ce cas, on adoptera l’avis énoncé en dernier chronologiquement…
⇒ La seconde :
Que ce changement d’avis de l’imam au sujet du transmetteur n’apparaisse pas distinctement. Dans ce cas on procédera ainsi :
– On cherche à regrouper les deux paroles si cela est possible, ceci, si par exemple l’accréditation ou la critique est relative et non absolue.
Il est envisageable que celui qui accrédite dise ” untel est digne de confiance” sans vouloir pour autant signifier qu’il est de ceux dont on s’appuie sur son hadith mais simplement pour le décrire en réponse à une question spécifique le concernant.
Il se peut qu’on soit interrogé sur l’individu méritant, sur une voie médiane quant à la transmission de son hadith et qu’il soit comparé dans la question à des individus jugés faibles dans la transmission et qu’on demande :
– “Que dis-tu à propos d’untel, untel et untel ? ” et qu’il réponde : “untel est digne de confiance” voulant par-là signifier qu’il n’est pas du même acabit que ceux à qui il a été comparé.
Il se peut tout aussi bien qu’il soit comparé à celui qui est plus digne de confiance que lui et qu’on dise donc à son sujet :
– “Untel est faible”, c’est-à-dire en comparaison avec celui avec qui il a été évoqué dans la question. Si l’on est interrogé à son sujet uniquement, alors apparaîtra de sa situation qu’elle le place dans une position intermédiaire.
Ainsi ‘Uthman Ad Darimi interrogea Yahya Ibn Ma’in au sujet d’Al ‘Oulla Ibn ‘Abdirrahman lorsqu’il transmet de son père. Il répondit :
– Il n’est pas mauvais.
‘Uthman reprit :
– Lequel préfères-tu ? Lui ou bien Sa’id Al Maqbouri ?
Il répondit :
– Sa’id est plus digne de confiance et Al ‘Oulla faible.
Tarikh ‘Uthman Ibn Sa’id Ad Darimi ‘An Abi Zakarya Yahya Ibn Ma’in, p. 173 – 174.
L’affaiblissement donc d’Ibn Ma’in à l’encontre d’Al ‘Oulla ne le fut que d’une manière relative, par rapport à Sa’id Al Maqbouri, et ne fut pas un affaiblissement dans l’absolu.
Si le recoupement des deux avis n’est pas possible, alors on recherchera à faire prévaloir l’un des deux à l’aide d’éléments parallèles comme par exemple le fait que certains étudiants aient été plus proches de l’imam que d’autres. On donnera donc prévalence à la transmission du plus proche sur celui qui l’est moins, comme ce fut le cas pour avoir devancé la transmission de ‘Abbas Ad Dourri d’après Ibn Ma’in en raison de la longue période durant laquelle il fut proche de lui.
De même que parmi les éléments en parallèle permettant de faire prévaloir un avis sur l’autre :
La multiplicité des transmetteurs de l’un des deux avis de l’imam et le fait que l’un des deux avis soit transmis via une chaîne de transmission plus authentique que l’autre…
Dawabit Al Jarh Wa t Ta’dil / p. 67 – 70.
traduit par SalafIslam.fr