Le colorant alimentaire rouge E120

Sheikh Mohammad Ali Ferkous

Question : Après avoir interdit les matières colorantes qui entrent dans la fabrication du Cachir(1) et d’autres produits alimentaires, vu leurs préjudices sur la santé, ces matières ont été substituées par une autre qui est une espèce de cochenille brûlée. L’utilisation de celle-ci remplace totalement la matière colorante. Y a-t-il une gêne si l’on adopte cette méthode dans la fabrication du Cachir et des autres produits ? Qu’Allâh vous récompense !

Réponse : Louanges à Allâh, Seigneur des mondes. Que les prières et le salut soient sur celui qu’Allâh a envoyé comme miséricorde pour les univers, sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

Cela dit :

Le colorant alimentaire rouge dont le symbole (d’additif alimentaire) est le E120, et qui est extrait de la cochenille, n’est pas permis de l’utiliser comme un composant dans la fabrication des produits alimentaires. Sa consommation est également illicite, surtout lorsque sa couleur prédomine. Cela, car selon l’avis de la majorité des gens de science(2), ces cochenilles sont considérées comme faisant partie des insectes qui sont détestables par nature et vu qu’elles sont englobées dans le jugement général de la Parole d’Allâh le Très Haut :

﴿وَيُحِلُّ لَهُمُ الطَّيِّبَاتِ وَيُحَرِّمُ عَلَيْهِمُ الْخَبَائِثَ﴾ [الأعراف: 157]،

Sens du verset :

﴾Il [le Prophète] leur rend licites les bonnes choses, leur interdit les mauvaises.﴿ [Al-A’râf : 157].

En effet, Allah le Très Haut a octroyé Ses grâces aux croyants en les comblant de bonnes choses en disant :

﴿يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُوا كُلُوا مِنْ طَيِّبَاتِ مَا رَزَقْنَاكُمْ﴾ [البقرة: 172].

Sens du verset :

﴾Ô les croyants !, Mangez des [nourritures] licites que Nous vous avons attribuées.﴿ [la Vache : 172].

Allâh le Très Haut leur a adressé le même discours qu’Il a tenu aux messagers en disant :

﴿يَا أَيُّهَا الرُّسُلُ كُلُوا مِنَ الطَّيِّبَاتِ﴾ [المؤمنون: 51].

Sens du verset :

﴾Ô messagers !, mangez de ce qui est permis et agréable.﴿ [les Croyants : 51].

Sur cette question, l’imam Mâlik رحمه الله a contredit cet avis en disant que consommer les cochenilles et autres insectes, et les utiliser comme remède est licite, en s’appuyant sur une analogie (Al-Qiyâs) déduite du fait de consommer des criquets dont la licéité est énoncée explicitement dans le hadith du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم: «Il nous est licite de consommer deux genres de bêtes mortes ainsi que deux variétés de sang. Les deux bêtes mortes sont : les poissons et les criquets, et les deux sangs ce sont le foie et la rate.»(3)

[Le savant malékite] Al-Bâdjî rapporte ce même jugement en disant : «Ibn Habîb a dit : ‘‘L’imam Mâlik et d’autres savants ont dit que quiconque a besoin de consommer une bestiole en guise de remède ou autre, cela lui est permis s’il est immolé comme on immole les criquets, à l’exemple des coléoptères, des scorpions, des blattes, des ‘Ouqroubân(4), des sauterelles, des frelons, des libellules, des fourmis et des petites fourmis, des charançons, des acariens, des vers, des moustiques et des mouches, ainsi que d’autres insectes…’’»(5)

Pour moi, parmi les deux avis précédents, celui qui est le plus juste et ayant force de preuve est l’avis de la majorité des savants, car la cochenille ne peut être immolée légalement étant donné qu’elle n’a pas de sang liquide. Et tout animal qui ne peut être immolé légalement est jugé comme étant illicite, car c’est une bête morte. Et il est clairement édicté dans le Qour’ân (Coran) que la bête morte est illicite et qu’il est obligatoire d’immoler ce qui peut être immolé selon la Charia. Allâh le Très Haut à dit :

﴿حُرِّمَتْ عَلَيْكُمُ الْمَيْتَةُ وَالدَّمُ وَلَحْمُ الْخِنْزِيرِ وَمَا أُهِلَّ لِغَيْرِ اللهِ بِهِ وَالْمُنْخَنِقَةُ وَالْمَوْقُوذَةُ وَالْمُتَرَدِّيَةُ وَالنَّطِيحَةُ وَمَا أَكَلَ السَّبُعُ إِلاَّ مَا ذَكَّيْتُمْ﴾ [المائدة: 3].

Sens du verset :

﴾Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que Celui d’Allâh, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce à dévorée — sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte.﴿ [la Table Servie : 3]

Il est clair que l’analogie faite entre la cochenille — ainsi que les autres insectes — et le criquet n’a pas de sens, car c’est une analogie qui s’inscrit en faux avec ses propres principes. Et ce qui sort du jugement général attesté par les Textes –qui est l’illicéité de la bête morte– n’est donc pas valable de lui appliquer l’analogie car c’est une exception qui est en contradiction avec l’analogie elle-même conformément à la règle qui dit : «On ne peut attribuer un jugement par une analogie qui est en contradiction avec ses propres.»

Sachant que l’imam Mâlik et les autres savants l’ont permis à condition de l’immoler selon la Charia : on doit prononcer le Nom d’Allâh lorsqu’on le pique avec une épine, une aiguille ou autre pour que le jugement du criquet soit attribué à la cochenille, selon ces savants. Or, cette condition est absente dans la matière ayant la couleur carmin(6) du fait qu’on la brûle et qu’on pulvérise son corps et ses membres ensembles pour extraire cette matière rouge.

Subséquemment à tout cela, le colorant alimentaire rouge qu’on extrait de ces cochenilles, en dehors du fait qu’elles soient détestables et qu’elles ne peuvent être immolées, est susceptible de causer des maladies corporelles dont la dangerosité diffère, comme l’allergie pour les enfants, l’asthme, les maladies cancérigènes et autres affections. C’est pour cette raison que cette matière est interdite conformément au hadith du Prophète صلَّى الله عليه وسلَّم: «Pas de nuisance, ni à soi-même ni à autrui.»(7)

Et Allâh est plus savant. Notre dernière invocation est : louange à Allâh, Seigneur des univers. Que la prière et le salut d’Allâh soient sur Muhammad, sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

Alger, le 29 de Djoumâda Ath-Thâniya 1433H,

correspondant au 20 mai 2012 G.

(1) Cachir :sorte de saucisson algérien. (Ndt).

(2) Voir : Al-Moughnî d’Ibn Qoudâma (8/585), Al-Madjmoû‘ d’An-Nawawî (9/10), Al-Mabsoût d’As-Sarkhaşî (11/399).

(3) Rapporté par Ibn Mâdjah (3314) et par Ahmad dans Al-Mousnad (5723), d’après le hadith rapporté par Ibn ‘Oumar رضي الله عنهما et authentifié par Al-Albânî dans Irwâ’ Al-Ghalîl (2526).

(4) ‘Ouqroubân est une bestiole invertébrée qui possède une multitude de pattes. (NDT).

(5) Al-Mountaqâ d’Al-Bâdjî (3/129).

(6) Carmin (qirmiz en arabe) est une teinture arménienne qui a la couleur rouge provenant du suc d’un ver qui existe dans les forêts de ce pays [Voir : Al-Qâmoûs Al-Mouhît d’Al-Fayroûz Âbâdî (670) et Al-Mou‘djam Al-Wasît (2/730).

(7) Rapporté par Ibn Mâdjah (2340) d’après ‘Oubâdah Ibn As-Sâmit رضي الله عنه et authentifié par Al-Albânî dans As-Silsila As-Sahîha (250).

source: ferkous.com

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