Travailler à l’imprimerie de la banque centrale

Sheikh Ferkous

Question : Est-il licite pour un musulman de travailler au sein de la banque centrale dont la mission consiste entre autres, à battre monnaie, à imprimer les passeports et les timbres fiscaux ?

Réponse : La Louange est à Allâh, Seigneur des mondes. Prière et salut sur celui qu’Allâh a envoyé en miséricorde pour l’univers, ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ses frères jusqu’au Jour de la Rétribution. Cela dit :

Sachez, puisse Allâh guider vos pas dans le droit chemin, que le système économique actuel et l’ensemble de ses structures sont basées sur le principe du prêt usuraire interdit par la religion. La banque centrale en tant qu’institution se trouvant au sommet du système monétaire ne déroge pas à cette règle. Elle représente la banque des banques commerciales et les gouverne toutes.

Il est vrai que, par comparaison aux banques ordinaires, la banque centrale possède des fonctions étendues : elle émet la monnaie fiduciaire(1), supervise l’activité des institutions financières, gère les réserves en or et en devises de l’État, etc. Comme tous les établissements bancaires toutefois, la banque centrale procède à des emprunts et à des prêts à intérêt, émet des titres financiers usuraires et les garantit.

Nous savons par ailleurs qu’il est en principe interdit d’accomplir ou de participer à une œuvre qui nuit aux musulmans, contient un abus de droit ou un interdit religieux, que ce soit par son concours physique ou en apportant son soutien moral et financier.
Aider à ce qu’une action qui viole les lois de Allâh se réalise c’est participer au péché commis par l’auteur.

Tout moyen facilitant l’exécution d’un interdit religieux est considéré comme illicite ; voilà la signification de la suivante règle juridique : toute chose qui aide à accomplir un acte illicite devient à son tour illicite. Les complices seront frappés par la malédiction divine selon leur degré d’implication dans le péché.

Pour cette raison, la loi islamique défend absolument de s’associer aux usuriers. « Le Prophète, relate une tradition, a maudit l’usurier, son client, les témoins et le scribe » avant d’ajouter : « ils se valent tous. »(2) Ibn Mas‘oûd rapporte cet autre hadith : « Le jour de la résurrection, Mohamed maudira ceux qui pratiquent l’usure, leurs clients, les témoins et les scribes.

Il frappera de la même malédiction les tatoueuses et les femmes qui recourent à leurs services, l’homme qui mange l’argent de l’aumône et le croyant qui redevient bédouin après immigration. »(3)
S’associer à une iniquité c’est la commettre soi-même ; concourir à un péché c’est le perpétrer soi-même. Allah a dit :
﴿وَلَا تَعَاوَنُواْ عَلَى ٱلۡإِثۡمِ وَٱلۡعُدۡوَٰنِ﴾ [المائدة: 2] Sens du verset :
﴾Ne vous aidez point dans le mal et dans l’injustice. ﴿[s. Al-Mâ’ida (la Table Servie) : v. 2]

En vertu de la règle stipulant que : un élément annexe ne disposant pas d’une existence en soi ne peut jouir d’un jugement religieux propre, les éléments annexes suivent le statut juridique des éléments principaux. C’est par exemple le cas de l’imprimerie appartenant à la banque centrale.

Certains juristes contemporains estiment néanmoins qu’il est permis de travailler au sein des banques et des autres institutions financières modernes, car, prétendent-ils, la plupart des services assurés par les banques sont utiles et licites. Ils soutiennent aussi qui si les musulmans renoncent à posséder leurs propres établissements financiers, les non-musulmans en prendront le contrôle, ce qui nuira gravement à la communauté des croyants et mettra son existence en péril.

Il est cependant clair que ce raisonnement ne saurait convaincre du caractère licite de travailler dans les banques, leurs annexes et les établissements qui y sont nécessairement rattachés. Car, d’un côté, il va à l’encontre du consensus (Idjmâ’) sur la prohibition de l’intérêt sur les dettes (Ribâ AD-Douyoûne)(4) ; d’un autre côté, il s’oppose aux Écritures condamnant l’usure.

Allah a dit :
﴿وَأَحَلَّ ٱللَّهُ ٱلۡبَيۡعَ وَحَرَّمَ ٱلرِّبَوٰاْ﴾ [البقرة: 275] Sens du verset :
﴾Allâh a permis la vente et a interdit l’usure. ﴿[s. Al-Baqara (la Vache) : v. 275] ﴿يَمۡحَقُ ٱللَّهُ ٱلرِّبَوٰاْ وَيُرۡبِي ٱلصَّدَقَٰتِ﴾ [البقرة: 276] Sens du verset :
﴾Allâh réduira à néant le profit usuraire et fera fructifier le mérite des aumônes. ﴿ [s. Al-Baqara (la Vache) : v. 286] ﴿يَٰٓأَيُّهَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُواْ لَا تَأۡكُلُواْ ٱلرِّبَوٰٓاْ أَضۡعَٰفٗا مُّضَٰعَفَةٗ﴾ [آل عمران: 130] Sens du verset :
﴾Ô vous qui croyez ! Ne pratiquez pas l’usure pour multiplier sans cesse vos profits !﴿  [s. Âl-‘Imrân (la Famille d’Imran) : v. 130]

Rappelons enfin que la banque centrale et les banques commerciales sont bâties sur des pratiques interdites par la religion (prêts et emprunts usuraires, assurance, etc.) et qui suscitent l’hostilité d’Allâh et de Son Prophète.

Allah dit dans le Coran :
﴿يَٰٓأَيُّهَا ٱلَّذِينَ ءَامَنُواْ ٱتَّقُواْ ٱللَّهَ وَذَرُواْ مَا بَقِيَ مِنَ ٱلرِّبَوٰٓاْ إِن كُنتُم مُّؤۡمِنِينَ ٢٧٨ فَإِن لَّمۡ تَفۡعَلُواْ فَأۡذَنُواْ بِحَرۡبٖ مِّنَ ٱللَّهِ وَرَسُولِهِۦۖ وَإِن تُبۡتُمۡ فَلَكُمۡ رُءُوسُ أَمۡوَٰلِكُمۡ لَا تَظۡلِمُونَ وَلَا تُظۡلَمُونَ ٢٧٩﴾ [البقرة] Sens du verset :
﴾Ô vous qui croyez ! Craignez votre Seigneur et renoncez à tout reliquat d’intérêt usuraire, si vous êtes des croyants sincères ! Et si vous ne le faites pas, attendez-vous à une guerre de la part d’Allâh et de Son Prophète.

Mais si vous vous repentez, vos capitaux vous resteront acquis. Ainsi, vous ne léserez personne et vous ne serez point lésés. ﴿[s. Al-Baqara (la Vache) : v. 278-279] Les annexes et les dépendances suivent, comme nous l’avons déjà expliqué, le statut juridique des établissements principaux.

Concernant les institutions ayant une activité principale licite, mais dont certaines annexes proposent des services entachés d’illégalité, il est permis d’y exercer une profession tout en s’abstenant de contribuer aux activités illicites.

Et le savoir est auprès d’Allâh et nous disons pour finir : la louange est à Allâh, le souverain des mondes, qu’Allâh honore et salue notre prophète Mouhammad, ainsi que sa famille, ses Compagnons et ses frères, jusqu’au jour de la résurrection.

Alger, le 28 de Rabî‘ Al-Awwal 1426 H,
correspondant au 6 mai 2005 G.

Source : Tiré du site de Sheikh Ferkous

(1) La monnaie fiduciaire est la monnaie comprenant les pièces et les billets de banque. (NDT).
(2) Rapporté par Mouslim (1598) et (1597), d’après Djâbir ibn Abd Allâh رضي الله عنهما.
(3) Rapporté par : An-Naşâ’i (5102), Ahmad (3881), Ibn Khouzayma (2250), Ibn Hibbâne (3252) et Al-Hâkim (1430), d’après Abd Allâh ibn Mas‘oud رضي الله عنه.
(4) Ce type d’intérêt usuraire, appelé Ribâ An-Nasî’a, était pratiqué durant la période antéislamique. On le résume par la formule : « accordez-moi un délai supplémentaire et je vous payerai un intérêt ». Cette pratique est interdite selon l’avis unanime (Idjmâ’) des docteurs de la loi quel que soit le montant de l’intérêt. Or, les établissements bancaires et financiers, la banque centrale à leur tête, usent tous de ce procédé. Consulter sur ce sujet : D. M. A. Ferkous, « Moukhtârât min Nousoûs Hadîthiya », p. 185.

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