Le jugement concernant le commerce des papiers-monnaies

Sheikh Mohammad Ali Ferkous

La question : Quel est le jugement porté sur le commerce des papiers-monnaies ?

La réponse : Louange à Allah, Maître des Mondes; et paix et salut sur celui qu’Allah عزّ وجلّ a envoyé comme miséricorde pour le monde entier, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection. Ceci dit : Sachez que les papiers-monnaies, tels que l’or et l’argent, ont la même cause d’illicéité qui se rapporte à Eth-Thamania(1).

Par ailleurs, les monnaies n’ont pas une valeur spécifique et désirée; leur valeur est plutôt relative et elles ne constituent aucune fin en elles-mêmes. Abou Hâmid El-Ghazâli –رحمه الله- a dit : « … et quiconque effectue une opération usuraire sur les dirhams et les dinars(2) se déclare ingrat envers le bienfait divin et commet de l’injustice. En effet, ces deux unités monétaires sont créées pour être un outil et non pas une fin, car elles ne constituent aucun objet voulu en elles-mêmes.

Donc, si la personne faisait de ces monnaies un sujet de commerce, elle les aurait, alors, prises pour une fin ; et cela, certes, contredit l’objectif pour lequel elles sont établies »(3). Par conséquent, les monnaies sont une unité de mesure par laquelle on évalue les biens. De plus, elles ne sont pas voulues en elles-mêmes; mais elles représentent, plutôt, un moyen qui permet à la personne d’acquérir des marchandises et de subvenir à ses besoins. Elles rentrent, alors, dans l’ensemble des moyens utilisés pour atteindre les objectifs, et elles ne sont pas profitables en elles-mêmes.

Dans ce sens, Ibn Taymia –رحمه الله- dit : « L’objectif des pièces monétaires est qu’elles soient une unité de mesure par laquelle on connaît la valeur des biens, et non pas qu’elles soient profitables en elles-mêmes. Donc, lorsque l’on fait la vente et l’achat de ces pièces monétaires en fixant un délai, ce serait alors du commerce qui contredit l’objectif d’Eth-Thamania »(4).

Sur ce, le fait de faire de ce qui est fixé comme prix pour les marchandises un sujet de commerce est, certes, un écartement de la raison pour laquelle les monnaies sont établies. De plus, ceci nuit aux gens et compromet leurs transactions. Dans ce cas, « La nuisance doit être écartée » comme il est établi dans les règles de la jurisprudence, et conformément à ce qu’a dit le Prophète صلّى الله عليه وآله وسلّم: « Pas de nuisance, ni à soi-même ni à autrui »(5).

Ibn El-Qayyim –رحمه الله- a dit en mentionnant les préjudices que peut causer un tel commerce : «Il –c’est-à-dire le gouvernant- doit interdire ce qui corrompt et altère l’argent des gens. Comme il doit interdire de faire de l’argent un sujet de commerce, car cela porte une si grande atteinte aux gens que Seul Allah عزّ وجلّ connaît. L’argent doit, plutôt, être utilisé comme des capitaux dans le commerce, et non pas être un sujet de commerce. Du reste, quand le Sultan (le gouvernant) interdit une unité monétaire, celle-ci doit être écartée, afin qu’elle ne se mélange pas avec celle qui est autorisée dans les transactions » (6).

Quant aux autres variétés usuraires citées dans le hadith qui est rapporté par `Oubâda Ibn Es-Sâmit telles que le blé, l’orge, les dattes, le sel et tout ce qui se rapporte à ces variétés ; il est permis d’en faire du commerce puisqu’elles ne sont pas des unités monétaires. Elles représentent, par contre, de la marchandise, et il est permis d’en profiter, contrairement aux unités monétaires qui sont autorisées d’être utilisées comme un moyen dans le commerce, et sont interdites d’être un sujet de commerce dans les opérations de change sauf dans les limites du besoin, et à condition que la transaction soit faite dans la même réunion si les espèces (7) sont différentes, et à condition que le change se fait selon le cours du jour même, à savoir le cours qui est communément reconnu.

Le savoir parfait appartient à Allahعزّ وجلّ, et notre dernière invocation est qu’Allah, Seigneur des Mondes, soit Loué et que prière et salut soient sur notre Prophète Mohammed, ainsi que sur sa Famille, ses Compagnons et ses Frères jusqu’au Jour de la Résurrection.

Source : Ferkous.com

([1]) C’est la valorisation des marchandises (propriété contenue dans l’unité monétaire).
([2]) Vieilles unités monétaires utilisées jadis par les musulmans.
([3]) Voir : « Ihyâ’ `Ouloûm Ed-dîne » d’El-Ghazâli (4/92).
([4]) Voir : « Medjmoû` El-Fatâwa » d’Ibn Taymia (29/471,472).
([5]) Rapporté par Ibn Mâdjah, chapitre des « Jugements » (hadith 2430), par Ahmed (hadith 23462) et par El-Bayhaqi (hadith 12224) par l’intermédiaire de `Oubâda Ibn Es-Sâmit رضي الله عنه. Ce hadith est jugé authentique par El-Albâni dans « El-Irwâ’ » (hadith 896), dans « Es-Silsila Es-Sahîha » (hadith 250) et dans « Ghâyat El-Marâm » (hadith 254).
([6]) Voir : « Et-Tourouq El-Houkmia » d’Ibn El-Qayyim (219,220).
([7]) C’est-à-dire ici : les différentes monnaies, telles que le dinar, l’euro, le dollar… etc.

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